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La fascination du « Q » : Une Exploration Culinaires à Taïwan

Dernière mise à jour : 15 juil.

À Taïwan, une lettre revient sans cesse sur les menus, les enseignes et dans les conversations culinaires : Q. Pas le personnage de James Bond, mais quelque chose de bien plus mystérieux pour un palais occidental : une texture révélant un art de vivre!


Comprendre le « Q »


Le « Q », parfois aussi appelé « QQ », évoque la sensation élastique, rebondissant sous la dent. Les Taïwanais recherchent ce plaisir avec une passion qui frôle la dévotion, une véritable obsession culturelle. Là où nos palais occidentaux privilégient le fondant, le croustillant et le moelleux, ici on vénère ce qui résiste.


Et moi ? Je suis déterminée à comprendre.


Une onomatopée devenue philosophie culinaire


Le terme « Q » vient du hokkien « k'iu », qui décrivait à l'origine le mouvement ondulant du calmar sur le grill. Cette image évoque parfaitement la texture vivante et élastique qui joue entre les dents.


Texte alternatif pour l'image

Ce qui est fascinant, c'est la richesse du vocabulaire taïwanais autour des textures. Là où nous avons quelques mots pour décrire nos sensations en bouche, le mandarin en possède des centaines. On trouve cui pour le croustillant, tan xing pour l'élastique, nen pour le tendre, et shuang pour une sensation glissante et rafraîchissante.


Cette précision linguistique n'est pas anodine : elle façonne littéralement la perception. Quand une culture développe un vocabulaire riche pour décrire quelque chose, elle crée aussi des cadres de référence pour l’apprécier.


Une rencontre au cœur de Taïwan


Découverte des marchés


Mes premières rencontres avec le « Q » se sont faites dans les marchés de nuit de Taipei. J'ai été séduite par les boulettes de pommes de terre douce frites, puis par les fish balls. Ces boulettes de poisson rebondissent littéralement lorsqu'on les laisse tomber.


L’art de la préparation


Préparer ces spécialités est un véritable art. Il s'agit de hacher le poisson à la main pendant 20 minutes et d'incorporer des blancs d'œufs et de l'amidon de tapioca avec une précision étonnante. Le résultat ? Une texture qui nécessite plusieurs secondes de travail « agréablement absorbant » à chaque bouchée.


Inspiré de l'oden japonais, l'oden taïwanais est dédié au plaisir du Q.
Comment ça marche : 1) Choisissez vos boulettes dans les bacs, 2) La vendeuse les sert avec du bouillon, 3) Savourez ces textures Q qui demandent une mastication appliquée. L'oden taïwanais, c'est la street food de la patience et de l'effort récompensés.

La science derrière l'obsession


Pourquoi cette fascination pour le « Q » ? La neurologie apporte des éclaircissements. Les textures "Q" activent des mécanorécepteurs spécifiques dans notre bouche. Ces textures créent des schémas de déformation uniques que notre cerveau interprète comme plaisants ou dérangeants, selon nos conditionnements culturels.


Les préférences texturales se formeraient à 50% par la génétique et à 50% par l'environnement. Cet environnement consiste souvent en notre enfance, l'exposition répétée et la culture familiale. Les enfants taïwanais grandissent en développant des connexions neuronales qui associent ces textures au plaisir, à la sécurité et à l'identité.


Pour nous, Occidentaux, c'est souvent le contraire. Notre néophobie alimentaire — une aversion instinctive à ce qui est "bizarre" — peut nous empêcher d'explorer ces textures si appréciées.


Mon évolution personnelle


Je ne vais pas prétendre que j'ai eu un coup de foudre pour toutes les textures « Q », mais certaines ont réussi à me charmer. Parmi elles, les dumplings à base de taro, la consistance particulière des omelettes aux huîtres (un QQ qui se situe au carrefour du baveux et du croustillant), et même le gingembre confit dans l’huile de sésame du plat national, le « 3 cups chicken » ou « San bei ji. »


Avec le temps, j’ai développé une appréciation pour le zhū xiě guǒ, un boudin de sang de porc lié avec du riz glutineux. Ce plat offre une texture élastique et un goût bien moins ferreux que sa version occidentale.


Omelette taïwanaise aux huîtres: un parfait exemple de l'obsession du Q.
C'est vraiment LE plat emblématique de la street food taïwanaise, et un parfait exemple de cette recherche du 'Q'. L'amidon de patate douce crée cette texture translucide et élastique qui surprend tant les palais occidentaux au premier contact.

Au-delà de la texture : une philosophie de vie


Le « Q » représente plus qu'une simple sensation en bouche. Dans la médecine traditionnelle chinoise, les textures gélatineuses sont associées à des propriétés nutritionnelles et curatives. Le « Q » est également une philosophie culinaire valorisant l'engagement et la patience.


Choisir des aliments pour leur texture « Q » devient alors une performance culturelle. Cela signifie que l'on comprend les codes de cette gastronomie établie, qu'on appartient à une communauté de goût. On dépasse les réflexes primaires pour atteindre une sophistication culinaire.


L'invasion mondiale du « Q »


Aujourd'hui, le bubble tea conquiert le monde, avec un marché évalué à 2,8 milliards de dollars en 2024. Sur TikTok, le hashtag #boba génère 8,3 milliards de vues. Une nouvelle génération découvre le « Q » à travers les réseaux sociaux, transformant cette texture locale en un véritable phénomène global.


Réflexions sur la texture


Mes semaines à Taïwan m'ont rappelé que nos aversions alimentaires révèlent souvent nos limites culturelles. Ce qui nous semble étrange peut cacher des siècles de raffinement culinaire.


En apprivoisant le « Q », nous acceptons que la satisfaction culinaire peut venir de l'effort, plutôt que du confort.


La prochaine fois que vous croiserez une perle de tapioca dans votre thé ou un mochi un peu trop glutineux, souvenez-vous : vous ne goûtez pas seulement une texture, vous explorez une autre façon de concevoir le plaisir alimentaire.


Et qui sait ? Peut-être que vous aussi, vous découvrirez ce petit « Q » qui fait toute la différence.


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