Ce goût de savon: notre rapport à la coriandre démystifié
- Héloïse Leclerc
- 14 juin
- 3 min de lecture
Vous voulez comprendre pourquoi la coriandre goûte le savon pour certain.es?
C'est tout à fait légitime! La coriandre divise. C’en est devenu un mème : Team coriandre contre Team savon à vaisselle. Mais derrière cette polarisation se cache une réalité plus nuancée, et peut-être un peu plus humaine aussi.

La faute aux aldéhydes et au gène OR6A2
Oui, il existe bel et bien une raison scientifique au rejet viscéral que certaines personnes ressentent face à la coriandre : cette herbe contient des aldéhydes, des composés aromatiques que l’on retrouve aussi dans certains produits ménagers. Résultat : certaines personnes perçoivent une forte saveur de savon.
La faute incombe souvent au gène OR6A2, qui affecte la façon dont nous détectons les aldéhydes. Chez les personnes chez qui ce gène est surexprimé, la coriandre devient franchement désagréable. À l’échelle mondiale, on estime que 3 à 21 % des gens sont affectés.
Dans mes ateliers culinaires, j’ai remarqué que c’était plutôt 40 à 50 % des gens qui affirmaient détester la coriandre, créant la parfaite recette polémiste. Une différence marquée… qui soulève une vraie question :
Mais d’où vient ce rejet massif !?
Une autre piste : la néophobie alimentaire
C’est là que ça devient intéressant. Dans les régions où la coriandre ne fait pas partie de la culture culinaire traditionnelle, comme au Québec, elle est souvent perçue comme un corps étranger. Et comme tout aliment nouveau au profil aromatique atypique, elle peut provoquer un rejet instinctif : c’est ce qu’on appelle la néophobie alimentaire.
Et ça, je l’ai moi-même vécu !
Témoignage : du rejet à l’amour
J’avais une vingtaine d’années quand mon amoureux et moi avons emménagé à Montréal. Il s’est mis à acheter de la coriandre fraîche. Moi, je ne comprenais pas comment on pouvait ainsi ruiner un plat. Ça me mettait hors de moi. L’odeur me dérangeait, la saveur me rebutait… Et pourtant !
En voyageant en Chine, j’ai été exposée à cette herbe dans des plats où elle jouait un rôle clé dans l’équilibre des saveurs. J’ai appris à l’apprivoiser et aujourd’hui, elle occupe une place de choix dans ma cuisine.
Et ce n’est pas un hasard : selon plusieurs études, il faut parfois jusqu’à dix expositions pour qu’un aliment inconnu passe de beurk à bof, puis à j’aime ça finalement. Le goût s’éduque. Il se développe. Il se transforme.Mais chez l’adulte, ce n’est pas toujours automatique. Parfois, ce n’est pas vraiment la saveur qui pose problème… mais ce qu’on y associe sans s’en rendre compte.
Le cas taïwanais : basilic thaï à la rescousse
En ce moment, je suis à Taïwan, et les choses se compliquent encore un peu.
Taïwan est l’un des pays où la surexpression du gène OR6A2 est la plus élevée au monde (jusqu’à 21 % de la population). Résultat ? La coriandre est souvent mise de côté, ou carrément remplacée par du basilic thaï, qui joue le même rôle « fraîcheur aromatique » dans les plats. Mais pour le moment, c’est moi qui peine à l’apprivoiser. Son profil anisé me résiste encore.
À mes yeux, c’est un indicateur fascinant : le contexte culinaire module l’usage autant que les préférences individuelles.

Et si on dépassait le débat "j’aime / j’aime pas" ?
Le duel team coriandre contre team anti-coriandre fait sourire, mais il nous empêche aussi de poser une question plus féconde :
Comment développe-t-on notre palais ? Et qu’est-ce que ça nous apporte ?
Ce n’est pas une question de snobisme, ni de performance. C’est une question d’ouverture, d’écoute, de patience… Et parfois, d’un dixième essai.

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